CHU DE LIEGE
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«
C’est probablement l’un des rares secteurs où la fonc-
tion et l’esthétique sont intimement liées
», estime le
Dr Bahram Dezfoulian. «
En effet, plus une mandibule
ressemble à une mandibule, esthétiquement parlant,
plus elle fonctionne efficacement. De même, imaginez
que l’on ne reconstruise pas le plancher de bouche : la sa-
live coulerait directement dans le cou, créerait de l’infec-
tion et éroderait les vaisseaux. S’agissant des voies aéro-
pharyngées, la reconstruction est essentielle, autant sur
le plan fonctionnel que vital, autant pour le traitement
que pour la qualité de vie du patient.
»
Collaborant avec l’équipe du Pr. Moreau depuis plus de
15 ans, le Dr Dezfoulian estime son secteur «
encore loin
d’être parfait. Mais les progrès de la microchirurgie et
de la chirurgie plastique et de reconstruction étaient
encore inimaginables il y a 20 ans. Aujourd’hui, on ne se
contente plus que rarement de lambeaux pédiculés : les
lambeaux libres, avec leur vascularisation propre, ont vé-
ritablement révolutionné la pratique. Alors qu’au début,
après la première Guerre Mondiale, on faisait avec ce
qu’on avait sous la main, aujourd’hui, on peut utiliser le
péroné pour reconstruire une mandibule solide, qui peut
être irradiée et même, parfois, recevoir des implants ! Nul
doute que l’évolution biologique, et informatique, est
loin d’être terminée !
» L’imagerie, et singulièrement la
modélisation 3D, tendent ainsi à permettre de visualiser
clairement quelles parties du péroné ou du radius couper,
puis de préparer les guides, de manière à reconstruire
«
au plus près possible de la forme initiale
».
«
La chirurgie robotique, encore peu adaptée à la recons-
truction, donnera sans doute un jour accès à des endroits
que l’on n’atteint aujourd’hui qu’en ouvrant toute la
mâchoire
», poursuit le Dr Dezfoulian. «
Les techniques
médicales s’améliorent. Pensez aux gueules cassées de
1918 ! Mais la qualité et les habitudes de vie des patients,
hélas, n’évoluent guère.
» La difficulté majeure, pour
un plasticien, reste donc les facteurs de risques que pré-
sente le patient, «
tant au niveau général que local : l’âge,
souvent avancé ; l’alcoolo-tabagisme ; l’hygiène de vie.
Le tabagisme surtout a des conséquences sur la microchi-
rurgie : on se trouve en présence de vaisseaux très calcifiés,
de jambes mal vascularisées, etc. Or, on essaie que la mor-
bidité du site donneur soit la plus faible possible. Certains
patients développent un deuxième cancer, voire un troi-
sième, et nous travaillons alors sur des sites qui ont déjà été
irradiés, des lambeaux qui ont déjà été utilisés, des mandi-
bules qui présentent une ostéoradionécrose avancée. On
ne fait pas de miracles, mais on fait des progrès.
»
Traiter et garantir la survie : la chirurgie plastique a ceci de particulier, dans le traitement
des cancers ORL, qu’on ne peut pratiquer de chirurgie d’exérèse sans elle.
La fonction et l’esthétique :
la place de la chirurgie réparatrice
Les 3 chirurgiens plasticiens participants aux reconstructions :
B. DEZFOULIAN, A. BOUS et C. RONSMANS
Lambeau libre de péroné pour reconstruction glosso-mandibulaire.