CHU DE LIEGE
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Le premier contact avec le malade intervient lors de la panen-
doscopie. Celle-ci nécessite une brève hospitalisation, qui offre
à l’équipe diététique l’occasion de faire connaissance avec le
patient et de se faire une idée de ses éventuels problèmes nu-
tritionnels. «
Notre intervention nutritionnelle étant efficace
précocement, il est essentiel de s’en inquiéter dès le début de
la prise en charge du patient, et de mettre en place un support
nutrionnel adéquat
», insiste Anne-Marie Verbrugge.
Le rôle de l’équipe diététique - maintenir un état nutritionnel
correct chez le patient - ne s’arrête pas à l’hospitalisation mais
continue en ambulatoire : «
De la nutrition entérale, on passe
progressivement, lorsque cela est possible, à une alimentation
par la bouche, avec l’accord du chirurgien et en concertation
avec le logopède, qui détermine la consistance des repas
»,
poursuit Catherine Lefebvre. «
Nous sommes encore là quand
le patient sort de l’hôpital pour lui expliquer comment retrou-
ver une alimentation suffisante et adaptée, ainsi que lors des
traitements chimiothérapiques ou radiothérapiques. Mais il
faut faire preuve d’humilité : nous pouvons offrir des conseils
et un suivi, que le patient choisira de suivre… ou pas. La plu-
ridisciplinarité nous donne à la fois plus de poids et plus de
chances d’arriver à une prise en charge globale et optimale.
»
Qualité de vie
«
On distingue trois grands types d’interventions: la laryngec-
tomie totale, après laquelle il faut réapprendre à parler, à com-
muniquer, à travailler sur le souffle. Les chirurgies partielles, ou
reconstructrices, qui occasionnent tant de fausses routes qu’on
ne sort pas du service tant qu’on n’est pas capable d’avaler 1,5
litre d’eau par jour. Et toutes les chirurgies bucco-pharyngées, de
la mâchoire, de la langue, du pharynx, qui nécessitent une réé-
ducation au niveau de la motricité, de la sensibilité et de l’articu-
lation : il faut apprendre à faire avec ce qui reste
», résume Yvon
Jochems. «
Mais dans tous les cas, une séance de logopédie, c’est
aussi une source de soutien psychologique important. D’ailleurs,
ici, les patients n’ont pas l’impression d’être à l’hôpital : ils n’at-
tendent pas dans la salle d’attente, parce que la porte du bureau
est toujours ouverte. Ils se sentent en sécurité
». Le Professeur
Philippe Lefèbvre, chef de service, y a veillé : la décoration, le
revêtement de sol, les couleurs des murs, tout s’accorde pour
faire de cette partie du troisième sous-sol un petit havre de paix.
«
Il y a 35 ans, il n’existait pas de formation spécifique en logopé-
die post-opératoire. Aujourd’hui encore, peu de mes confrères
s’occupent de ce domaine si pointu, si spécialisé. Ma méthode a
donc évolué en même temps que la chirurgie
», souligne Yvon
Jochems. «
Ainsi, à mes débuts, on enseignait aux personnes pri-
vées de leur larynx, donc de leur générateur de sons, à compri-
mer l’air dans leur bouche et à le renvoyer vers l’œsophage pour
le faire vibrer et obtenir un son. Il fallait un an avant de pouvoir
à nouveau converser. Aujourd’hui, avec les prothèses trachéo-
œsophagiennes, on utilise l’air qui remonte des poumons : on
retrouve plus vite l’usage de la parole, et on bénéficie de 2 litres
d’air, plutôt que des 2 décilitres contenus dans la bouche !
»
Après le tourbillon des examens, la chirurgie
et les traitements adjuvants, viennent le réveil
et le silence. Alors les patients peuvent compter
sur Yvon Jochems, logopède spécialisé dans la
rééducation post-opératoire.
Thérapie de groupe et pluridisciplinarité
S’il n’existe pas de rééducation standard ou de séance-type, le lo-
gopède liégeois privilégie généralement la thérapie de groupe :
«
J’ai la chance de travailler dans un service ouvert, axé sur les
patients, qui accepte que je mélange les gens et les pathologies.
Il arrive qu’on ne pratique aucun exercice conscient pendant une
séance, mais pendant ce temps, les patients échangent, parlent,
et ne restent pas enfermés dans leur bulle, leur pathologie
».
Ce travail-là commence avant l’opération : Yvon Jochems ren-
contre les patients quelques jours avant l’intervention pour leur
en expliquer les conséquences, décider d’un planning, leur pré-
senter
"
un autre opéré
",
s’ils le souhaitent.
Il les retrouve une semaine après l’opération : «
Le suivi est
incontournable : il ne peut pas y avoir de chirurgie sans réé-
ducation
». Et pas de rééducation sans encadrement pluridis-
ciplinaire : «
Nous travaillons en étroite collaboration avec
les infirmières, mais également avec le service diététique,
qui adapte les menus en fonction de la consistance et de la
texture que nous recommandons. Au-delà de cet aspect par-
ticulier, pour les patients, nous sommes souvent le lien entre
leur pathologie et le corps médical : ils savent que, s’ils ont un
souci, nous irons chercher leur chirurgien
».
Logopédie :
retrouver une voix
Yvon JOCHEMS