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MAGAZINE DE
L’ONCOLOGIE
La principale mission de l’anatomo-
pathologiste est d’établir, ou de confirmer,
le diagnostic d’une lésion, et en particulier d’un
cancer, en analysant des échantillons tissulaires.
«
Les échantillons analysés consistent parfois en de petites
biopsies, de l’ordre de quelques millimètres. D’autres
concernent des pièces de résection muqueuse orientées ou
des pièces chirurgicales plus ou moins étendues. L’analyse de
ces dernières nécessite un examen macroscopique minutieux
et une connaissance précise de l’anatomie complexe de la
sphère ORL
», explique le Dr Nancy Detrembleur (service du
Pr. Ph. Delvenne).
Le pathologiste sera amené à intervenir lors du diagnos-
tic (biopsie), pendant l’intervention chirurgicale curatrice
(examens extemporanés, notamment dans la pathologie de
glandes salivaires), en différé de cette dernière (examen de
la pièce d’exérèse chirurgicale) et, parfois, à l’occasion de
récidives ou deb compléments de chirurgie.
Au laboratoire, les
pièces chirurgicales
complexes font l’objet
d’une prise en charge
qui vise à donner toutes les informations utiles, non seule-
ment pour le diagnostic de la lésion, mais aussi pour son trai-
tement et son pronostic. Il s’agit donc d’évaluer la taille de la
lésion, sa profondeur d’infiltration, ses rapports aux marges
chirurgicales et aux autres éléments anatomiques présents
(os, structure vasculaire, glande salivaire, thyroïde, ganglion,
etc.) et d’échantillonner minutieusement la pièce chirurgicale.
Les informations révélées par l’examen microscopique
dépendront en grande partie de la pertinence de l’exa-
men macroscopique de la pièce chirurgicale. Le diagnos-
tic histologique découlera d’une analyse fine des cellules
constituant la tumeur, de leur disposition et de leur point
de départ. Le pathologiste fera la "chasse" aux emboles
lympho-vasculaires, aux infiltrations péri-nerveuses, aux
lésions précancéreuses associées et aux micro-foyers infil-
trants. «
Une mesure précise des dimensions de la lésion et
de sa distance par rapport aux différentes marges chirur-
gicales clôture l’analyse. Les principaux éléments de celle-
ci sont transcrits dans un protocole qui doit être clair et
complet
», précise encore le Dr Detrembleur.
Le diagnostic, parfois évident en cas de carcinome épider-
moïde, peut s’avérer difficile pour des tumeurs peu diffé-
renciées ou plus rares (comme celles des tissus mous, des
glandes salivaires, des ganglions lymphatiques) et inciter
le pathologiste à réaliser des colorations spéciales et divers
examens complémentaires.
Une notion émergente est la relation d’une fraction des
cancers de l'oropharynx et de la cavité buccale avec l’infec-
tion par certains types oncogènes de papillomavirus humain
(HPV). «
Ces cancers font actuellement l’objet d’une recherche
systématique dans les prélèvements anatomo-pathologiques
car les cancers HPV-induits ont généralement, et pour des rai-
sons non encore entièrement élucidées, un meilleur pronos-
tic que ceux observés chez les patients alcoolo-tabagiques
»,
observe le Pr. Philippe Delvenne. «
La vaccination anti-HPV
pourrait théoriquement avoir un impact sur l'incidence de
ces cancers. Cependant, la couverture vaccinale reste très
insuffisante dans de nombreux pays et, à ce jour, aucune
autre méthode de prévention des cancers des voies aéro-
digestives supérieures HPV-positifs n'est disponible.
»
L’anatomie pathologique,
spécialité primordiale
Le résultat anatomo-pathologique :
la clé de la prise en charge pour le clinicien
«
Lors du bilan initial et de la panendoscopie, des biopsies
sont réalisées de manière systématique : elles permettront
d’offrir un diagnostic histologique qui sera évidemment
à la base du traitement
», explique le Pr. Pierre Demez.
«
Par ailleurs, la discussion des pièces opératoires est également
essentielle. En effet, nos chirurgies sont parfois complexes
d’un point de vue anatomique, et les pièces opératoires qui
en résultent sont souvent difficiles à comprendre et à orienter
pour nos confrères anatomo-pathologistes. Il nous est donc
apparu rapidement qu’il était indispensable de discuter de
chaque cas. C’est pour cette raison que, après chaque
intervention carcinologique, nous allons porter personnel-
lement nos pièces opératoires et les détaillons oralement et
précisément. Ces discussions offrent la possibilité aux anatomo-
pathologistes d’analyser convenablement les marges.
L’analyse fine de ces pièces nous donnera d’autres renseigne-
ments indispensables sur les facteurs de mauvais pronostic que
sont les atteintes des marges chirurgicales, les emboles péri-
nerveux ou lymphatiques, les lésions apparaissant multi-focales
ou encore les ruptures capsulaires ganglionnaires. Ceci influen-
cera tant le pronostic du patient que sa prise en charge, avec
adjonction éventuelle de traitements adjuvants à la chirurgie.
»
Philippe DELVENNE
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Une immunoréactivité élevée
pour la protéine p16 (marqueur
cellulaire potentiellement
induit par un HPV oncogène)
est observée dans un cancer
infiltrant de l’oropharynx.
Pièce de pelvi-glosso-mandi-
bulectomie gauche élargie.
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