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CHU DE LIEGE

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Pierre Moreau

L’aspect multidisciplinaire, et la COM, sont décrits dans chaque service

comme une caractéristique essentielle de l’oncologie ORL.

P.M. :

A mes débuts, il y a 30 ans, j’avais l’entière res-

ponsabilité de mes patients : je posais seul chaque geste

chirurgical, de l’exérèse à la reconstruction. Et je décidais

seul des traitements à proposer, en m’appuyant sur la lit-

térature ou sur des collègues étrangers en cas de doute.

Travailler au sein de la COM ORL, c’est effectivement pro-

fiter de la vision de collègues spécialisés et compétents.

C’est d’ailleurs devenu une règle : chaque mercredi matin,

nous discutons des patients de la semaine en présence de

tous les intervenants, avant même d’initier le traitement.

Mais la COM n’est pas la seule (r)évolution : sur le plan mé-

dical aussi, les progrès sont considérables. On ne conçoit

plus d’opérer sans un scanner ou une IRM, par exemple.

Le pet-scan est devenu un élément essentiel du diagnos-

tic, alors qu’on se contentait auparavant d’une radio des

poumons ou, plus tard, d’un scanner du thorax et d’une

scintigraphie du squelette. L’irradiation est aujourd’hui

mieux ciblée, grâce à l’IMRT, évitant des effets secon-

daires parfois très invalidants tels que sécheresse buccale

ou ostéoradionécrose mandibulaire. On a abandonné la

chimiothérapie d’induction ou d’entretien, car elle n’amé-

liore pas la survie. La méta-analyse de Pignon a bien mon-

tré, en 2000, que la seule façon de tirer un bénéfice de

cette chimiothérapie, c’est de la réaliser concomitamment

à la radiothérapie pour, en quelque sorte, potentialiser

l’effet de la radiothérapie. C’est ainsi que l’on gagne

10% de survie à 5 ans, mais au prix de séquelles plus mar-

quées : dysphagie, fibrose, etc. C’est pourquoi cette po-

tentialisation de l’irradiation par du platine ou de l’anti-

EGFR (Erbitux) est indiquée dans les stades avancés, ce qui

est malheureusement souvent le cas en ORL. Il y a, c’est

évident, encore énormément de choses à mieux cerner, à

développer dans l’avenir, mais les progrès réalisés depuis

10 ans sont déjà énormes.

L’avenir, justement.

C’est un thème qui vous tient à cœur.

P.M. :

Quand j’ai commencé la chirurgie au laser, je ne

pratiquais que sur de petites lésions des cordes vocales.

Avec l’expérience, j’ai élargi le champ d’application à

l’épiglotte, à l’oropharynx et à l’hypopharynx, sans savoir

d’ailleurs que Steiner en faisait autant en Allemagne. J’ai

fait fabriquer des instruments sur mesure et ai développé

une technique qui m’est propre. Des progrès de cette

ampleur peuvent toucher tous les domaines ! On parle

beaucoup des techniques de chirurgie robotique, mais

elles sont encore à adapter. Moi, je rêve que l’on affine

les facteurs prédictifs de guérison : de la même manière

que l’on sait aujourd’hui que les cancers oropharyngés

liés à l’HPV (Human Papillomavirus) guérissent beau-

coup mieux que les autres, on devrait pouvoir détermi-

ner quelles tumeurs vont être réellement radio-sensibles,

avoir les moyens moléculaires de prédire la réponse des

patients au traitement.

Caractéristique importante :

la muqueuse de l’ensemble de la

sphère ORL ayant été soumise au tabac, il n’est pas rare de

retrouver plusieurs localisations cancéreuses différentes. Deux

situations peuvent être rencontrées. D’une part, les cancers

appelés "synchrones" : il s’agit de plusieurs tumeurs retrou-

vées au même moment ou endéans les 6 mois. D’autre part,

les cancers dits "métachrones", qui correspondent à de

nouvelles tumeurs situées à une plus grande distance dans le

temps. Il n’est donc pas rare de voir des malades présentant

3 ou 4 cancers différents. Pour cette raison, le bilan initial ne

cherchera pas uniquement à étudier la tumeur pour laquelle

le patient est pris en charge, mais aussi à exclure la présence

d’un cancer synchrone. Le bilan s’attachera également à étu-

dier les poumons et l’œsophage, dont les cancers partagent

les mêmes facteurs de risque que les cancers de la sphère ORL.

Symptômes :

la plainte la plus commune est la douleur latéralisée, située au niveau de la cavité buccale, du pharynx

ou du larynx. Cette douleur peut irradier vers les oreilles sous forme d’une otalgie (celle-ci devrait d’ailleurs toujours

faire rechercher un problème de douleur projetée). L’autre symptôme régulièrement rencontré est la dysphonie.

Outre cette altération de la voix signant une atteinte laryngée ou hypopharyngée, on retrouve aussi des changements

de résonance sonore dans les cancers du pharynx. Les tumeurs de la cavité buccale, et plus particulièrement de la

langue, entraîneront quant à elles une dysarthrie.

Les patients peuvent présenter des difficultés à la déglutition (dysphagie), parfois douloureuse (odynophagie). Celles-ci

peuvent entraîner une perte pondérale importante, avec des malades fortement dénutris arrivant à la consultation. Ces

tumeurs étant généralement partiellement nécrosées, il n’est pas rare que la famille du malade signale une halitose mar-

quée. Par ailleurs, une autre cause de consultation est l’apparition d’une masse cervicale. Celle-ci peut correspondre à une

adénopathie satellite et doit toujours faire l’objet d’une exploration ORL complète si elle persiste plus de 3 semaines.