Pierre Moreau
" Les progrès réalisés depuis 10 ans sont énormes ! "
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MAGAZINE DE
L’ONCOLOGIE
Présentation du rédacteur invité
Pierre MOREAU
, chef associé dans le service
ORL du CHU de Liège (Prof. Philippe Lefebvre),
responsable du secteur d’oncologie cervico-
faciale, est le rédacteur invité de ce numéro.
Formé à l’hôpital de Bavière, puis à Lille, il a
développé la technique de l’exérèse par voie
endoscopique au laser dans le traitement
des cancers des voies aéro-digestives supérieures.
Ce pionnier porte sur le passé un regard aiguisé
et, sur l’avenir, beaucoup d’espoir.
Les pronost
i
cs
de
guérison du carcinome épidermoïde
sont rarement bons. Commen
t
l’
e
xpliquez-vous ?
Pi
erre Moreau :
Le carcinome épidermoïde, à l’origine
de 90% des cancers des voies aéro-digestives supérieures,
touche principalement une population alcoolo-tabagi-
que, socialement défavorisée, qui tarde à se prendre
en charge. Le diagnostic est souvent posé tardivement.
Lors du bilan, 20% des patients alcoolo-tabagiques déve-
loppent plusieurs cancers simultanés. C’est notamment
pour cette raison que nous pratiquons toujours une en-
doscopie sous anesthésie générale, de manière à recher-
cher une deuxième localisation. Enfin, 5% des patients
développent une nouvelle néoplasie ORL par année de
surveillance, soit un patient sur deux après 10 ans. Il n’y a
pas de facteurs génétiques connus qui expliquent les can-
cers ORL et leur caractère métachrone, mais je suis per-
suadé que la recherche trouvera les réponses aux ques-
tions que l’on se pose inévitablement face à un patient
qui développe 5 ou 6 cancers différents.
Cela posé, nous disposons au CHU d’une excellente équipe
en oncologie cervico-faciale. Pour donner au patient les
meilleures chances de guérison, il faut avoir une équipe plu-
ridisciplinaire expérimentée: une bonne mise au point ra-
diologique et de médecine nucléaire, des radiothérapeutes
et chimiothérapeutes pointus, un chirurgien plasticien effi-
cace, un personnel infirmier compétent, un logopède averti.
En chirurgie, j’ai la chance de travailler avec Pierre Demez,
qui partage mes motivations et est très attentif à la qualité
de vie de nos patients. Il a amené des moyens chirurgicaux
complémentaires, fait venir une diététicienne et une psy-
chologue à la COM. Tout cela contribue à améliorer la qua-
lité de vie des patients. Le caractère transdisciplinaire de la
prise en charge augmente surtout considèrablement leurs
chances de guérison, raison pour laquelle il ne faut pas
multiplier les centres de traitement dans une région don-
née. C’est un cercle vertueux: plus le nombre de patients
pris en charge sur une année est élevé, plus nous restons
performants. Nous avons cette chance, à Liège, d’avoir une
belle collaboration avec les divers hôpitaux de la région.
« ... Il y a encore énormément de choses à mieux cerner,
à développer dans l’avenir, mais les progrès réalisés
depuis 10 ans sont déjà énormes... »
Incidence :
le carcinome épidermoïde est le 4
e
cancer chez l’homme, le 9
e
chez la femme, et le 5
e
en termes de
mortalité. En Belgique, chaque année, envrion 2000 nouveaux cas de cancers des VADS sont diagnostiqués.
L’incidence en Wallonie, et plus singulièrement dans son bassin industriel, est particulièrement importante.
F
ac
teurs
de
risques :
Le principal
facteur de risque est bien
entendu le tabac.
La consomm
ation régulière
d’alcool
favorise également l’apparition
de ces tumeurs
en
"préparant le terrain" au tabac. Le fait de bo
ire et de
fume
r multiplie donc grandement le risque de cancéro-
génèse. On retie
ndra aussi - dans un contexte profes-
sion
nel, et à titre plus anecdot
ique - l’amiante (cancer
du larynx), la pou
ssière de bois (cancer des s
inus) et le
benzène. Le HP
V 16 (papillom
avirus, aussi impliqué dans
le cancer du col de l’utérus) es
t, depuis une
dizaine d’an-
nées, la cause
de cas de plus en plus nombre
ux de cancers
de l’oropharynx chez les pat
ients jeunes non fumeurs.