CHU DE LIEGE
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«
Le patient qui reçoit le diagnostic d’un cancer ORL n’ima-
gine généralement pas l’importance de sa santé dentaire
dans le décours de sa thérapie
», admet Francine Hérion.
«
Pourtant, l’état bucco-dentaire va jouer un rôle essen-
tiel dans le bon déroulement de son traitement, principa-
lement s’il doit subir une radiothérapie. La bouche d’un
patient irradié ne réagira plus jamais comme celle d’un
patient lambda, que ce soit en termes de cicatrisation, de
salivation ou de souplesse. Les effets secondaires d’une
radiothérapie sont multiples et certains persistent
. »
Outre la sécheresse buccale, qui accélère les phénomènes
de déchaussement et de caries, la radiothérapie fragilise
en effet considérablement l’os de la mandibule : «
Elle
provoque une baisse importante du nombre de cellules
et une diminution de la vascularisation. L’os présente
alors un risque important d’ostéoradionécrose, dont
l’une des causes est l’extraction dentaire en secteur irra-
dié
». Les capacités cicatricielles, liées à sa cellularité et à
sa vascularisation, sont tellement diminuées que la plaie
post-extractionnelle ne guérit pas. Le tissu osseux, expo-
sé dans la cavité buccale, est immédiatement contaminé.
Cette contamination empêche la cicatrisation muqueuse
et gingivale. «
L’ostéoradionécrose est une complication
extrêmement difficile à soigner et parfois invalidante
»,
insiste Francine Hérion. «
Il est donc crucial de soigner
ou d’extraire les dents qui ne sont pas saines dans les
futurs secteurs irradiés. La radiothérapie, surtout après
une chirurgie carcinologique, peut également entraîner
une contracture permanente de certains muscles impli-
Prendre le temps : de connaître le dossier, d’installer son patient, de ne pas travailler dans
la douleur, même quand les délais sont très courts (il faut 21 jours entre une extraction dentaire et
la première irradiation). Pour Francine Hérion, chef de clinique en médecine dentaire et spécialiste
en parodontologie, «
créer la confiance, c’est le premier geste thérapeutique
».
qués dans l‘ouverture buccale. Ce trismus peut avoir
pour conséquence de rendre techniquement impossible
les soins conservateurs de certaines dents, car l’ouverture
buccale n’est plus suffisante pour l’utilisation des appa-
reils comme les contre-angles et les turbines montées
d’une fraise, par exemple. L’évaluation d’un éventuel
trismus à long terme est très difficile
».
Si la mise en état bucco-dentaire (extraction de toutes les
dents des secteurs à irradier) a longtemps été radicale, on
lui préfère aujourd’hui les mises en état dites
"
modulées
"
,
qui vont dépendre en grande partie de la compliance
du patient. Les risques de caries et de déchaussement,
majorés, impliquent en effet des soins minutieux et régu-
liers s’il veut garder ses dents : gouttières de fluoration,
pour éviter l’odontoradionécrose et les caries radiques
très agressives, brossage méticuleux, contrôle dentaire et
parodontal trimestriel. «
Il est essentiel de bien connaître
la pathologie et le traitement anticancéreux que va subir
le patient et de prendre le temps d’expliquer les consé-
quences que cela va avoir au niveau buccal, afin de créer
une relation de confiance
», conclut Francine Hérion.
«
Le maintien de la relation avec le dentiste généraliste,
qui suit le patient depuis parfois de nombreuses années,
est également très important et implique, notamment
par l’établissement de plans de soins précis, une bonne
communication entre spécialistes et généralistes.
»
Dentisterie et oncologie ORL :
l’association nécessaire
Qualité de vie
« ... L’état bucco-dentaire du patient va jouer un rôle
essentiel dans le bon déroulement de son traitement,
principalement s’il doit subir une radiothérapie... »
Francine HÉRION