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LE COMITÉ DE PATIENTS

Chronique de patients (7)

Nous sommes rassurés. Notre généra-

liste nous a rassurés. Ce n’est pas grave.

Quelques jours, quelques médicaments

et il n’y paraîtra plus. C’est difficile à

croire : nous nous sentons si mal, nous

avons si mal. On a confiance : s’il le dit,

cela sera ainsi et, dans quelques jours,

nous serons comme avant.

Il nous a donnés une semaine.

Une semaine pour nous soigner.

Une semaine pour ne pas travailler.

Une semaine sans aller travailler ;

nous n’aimons pas ça: nos collègues

vont devoir nous remplacer et travailler

plus. Ils vont peut-être nous en vouloir?

Notre patron va sans doute râler:

encore un malade. Comment faire

tourner mon entreprise avec tous ces

malades ? Est-ce que je peux me per-

mettre d’être malade, moi ?

Il nous a donnés une semaine.

Une semaine pour me reposer.

Une semaine où, pourtant, la vie

quotidienne continue : le ménage,

les enfants, les courses…Sommes-nous

si malades que ça pour nous reposer sur

l’autre ? C’est dur de rester dans notre

lit, dans notre fauteuil et de voir

la famille s’agiter plus. Est-ce que nous

ne devrions pas faire un effort ?

Il nous a donnés une semaine.

Une semaine pour nous occuper de

nous. Mais comment s’occuper de

nous? Les sorties ne sont pas autori-

sées, elles le seraient même que cela ne

changerait rien : sortir et tomber sur un

collègue, ce serait la gêne. Nous avons

reporté tout ce qui était prévu cette

semaine : une sortie entre amis, une

balade en famille. Nous n’aimons pas

ne pas tenir nos promesses, nos enga-

gements. Nous aimons encore moins

nous sentir empêchés de…

Cela va mieux. Nous nous sentons

mieux. Nous n’avons presque plus

mal. Notre docteur nous l’avait dit que

les médicaments agiraient vite mais

attention : ne pas reprendre le travail,

continuer à se reposer et à prendre soin

de soi. Huit jours, c’est huit jours !

Alors, nous nous forçons à ne rien faire

et c’est d’autant plus dur que nous nous

sentons capables de faire. Alors, nous

nous forçons à nous reposer et c’est

d’autant plus difficile que les douleurs

ne sont plus là pour nous y obliger.

Alors, nous nous efforçons de nous

occuper de nous et c’est d’autant plus

difficile que nous voyons les autres bien

se débrouiller sans nous.

Ça y est : nous sommes guéris,

notre médecin traitant nous l’a

confirmé. Nous pouvons reprendre le

travail, le quotidien et nos activités. Une

semaine, c’est long et pas long. C’est pas

long parce que nous avions si mal et

nous nous sentions si mal et pourtant,

en quelques jours, plus rien. C’est long

parce que se sentir hors jeu de la vie

ordinaire, se vivre incapables d’être ce

qu’on est d’habitude et s’assumer diffé-

rents de ce que l’on veut être, ne fut-ce

que quelques jours, nous pose question.

Sommes-nous conscients de notre

fragilité ? Mais non, nous ne sommes

pas si souvent malades que ça.

Sommes-nous conscients de la fragilité

de notre corps ? Mais non, il se répare

si vite grâce aux médecins et aux

médicaments.

Sommes-nous conscients de la fragilité

de notre vie qui peut basculer à tout

moment ? Mais non, nous menons une

vie normale sans vraiment faire d’excès.

Alors tout va bien !

Nous tous

Georges Larbuisson est

membre du Comité de

Patients du CHUde Liège.

Romaniste, il a été désigné

par le Comité pourmettre sur

papier les préoccupations

des patients.

Il l’a fait de manière littéraire en

différents parcours de patient (par

cycle de trois) dont nous publions

aujourd’hui le septième. Le premier

de chaque cycle est signé «Nous

tous », le second «Nous aussi » et le

troisième «Nous encore ». La gravi-

té des trois séquences va croissante

mais, dans toutes trois, percent

aussi magnifiquement que pudique-

ment les préoccupations du malade.

Les photos sont des images d’illus-

tration.

Pour le Comité de Patients, Georges

Larbuisson aimerait nouer des

échanges avec les patients et leur

propose de prendre contact via

l’adresse mail

comitedepatients@

chu.ulg.ac.be

© D.R.

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