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COMITÉ DES PATIENTS

LE COMITÉ DE PATIENTS

Chronique de patients (5)

Voilà, nous avons pris rendez-vous

chez un spécialiste. Ça a été le premier

d’une longue série: rendez-vous pour

des consultations, rendez-vous pour

des examens et rendez-vous pour des

analyses.

Un lent et long parcours fait de

moments d’angoisse: c’est grave!

Un parcours fatiguant fait de moments

de doute: c’est peut-être grave!

Un parcours désorientant fait de

moments d’espoir: c’est peut-être pas

si grave!

Mais toujours un sentiment trouble

face aux médecins: est-ce que toutes ces

analyses, tous ces examens et toutes ces

consultations vont mesurer, montrer et

ainsi expliquer ce que nous ressentons

comme douleur, comme malaise,

comme mal-être ?

Nous ne savons pas si nous avons

peur que la médecine ne trouve pas

ce dont nous souffrons, nous avons

surtout peur que la médecine ne nous

reconnaisse pas dans notre souffrance

et qu’elle qualifie notre souffrance

d’imaginaire.

Mais tel n’a pas été le cas. Une maladie

chronique nous ont-ils dit ? Les méde-

cins sont sûrs de leur diagnostic: cela

pourrait être rassurant. Les médecins

sont flous sur le pronostic: c’est an-

goissant.

Il ne peut y avoir de vie là où se tapisse

la peur et nous avons peur :

Peur de la suite de notre vie,

Peur de la fin de notre vie que l’on nous

annonce assez proche,

Peur de la maladie qui, de jour en jour,

ira de mieux en mieux à mesure que

notre corps ira de plus en plus mal.

Dorénavant et désormais, c’est notre

corps qui décidera de nos conditions de

vie, qui donnera les termes et limites de

nos possibles quotidiens.

Dorénavant et désormais, nous de-

vrons donner du temps à notre corps.

Pendant des années, il a fait docilement

ce que nous lui demandions: marcher,

courir, travailler, aimer ...Et cela en ne le

nourrissant pas toujours très bien et en

le privant trop souvent de son repos au

nom de nos envies de plaisir.

Dorénavant et désormais, nous occuper

de notre corps sera presque notre

seule activité: le reposer, le nourrir et

le contrôler. Nous allons développer la

faculté de nous dédoubler en celui qui

vit et celui qui regarde celui qui vit.

Dorénavant et désormais, si nous

voulons encore avoir des sensations

de vie, il nous faut apprendre à nous

évader de notre corps. Il nous faut aussi

apprendre à aimer ce qui nous arrive

ou au moins ne pas le refuser ou encore

ne pas le vivre comme une injustice.

Il nous faut aussi ne pas considérer

comme vrai ce que nous espérons: la

guérison.

Dorénavant et désormais, nous avons

un dur combat à mener non contre la

maladie qui serait un combat perdu

d’avance. Non, nous avons à mener un

combat contre nous-même pour don-

ner sens à la vie qui nous reste à vivre.

C‘est un défi que nous impose la vie,

une manière pour elle de tester notre

résistance et par orgueil sans doute,

nous voulons voir jusqu’où cela ira.

Dorénavant et désormais, l’hôpital est

devenu un lieu de vie, un lieu familier

qui nous inquiète et qui nous rassure.

Inquiétant parce que nous y venons

pour constater les dégâts progressifs.

Rassurant parce qu’y venir, nous assure

que tout se passera bien: la fin aussi.

Dorénavant et désormais, nous avons

conscience d’être une créature mortelle

et perdue, nous avons conscience que

nous avons confié notre vie et sa fin

aux médecins. Et à eux, de prendre

conscience que nous sommes davan-

tage qu’un fatras de résultats et de tests

venus de laboratoires inconnus et de

machines impersonnelles.

Dorénavant et désormais,

nous consommons notre corps

qui se consume.

Nous encore

Georges Larbuisson est

membre du Comité de

Patients du CHUde Liège.

Romaniste, il a été désigné

par le Comité pourmettre sur

papier les préoccupations

des patients.

Il l’a fait de manière littéraire en

trois parcours de patient dont nous

publions aujourd’hui le deuxième.

Le premier était signé «Nous tous »,

celui-ci est signé «Nous aussi » et le

troisième «Nous encore ». La gravi-

té des trois séquences va croissante

mais, dans toutes trois, percent

aussi magnifiquement que pudique-

ment les préoccupations du malade.

Les photos sont des images d’illus-

tration.

Pour le Comité de Patients, Georges

Larbuisson aimerait nouer des

échanges avec les patients et leur

propose de prendre contact via

l’adresse mail

comitedepatients@

chu.ulg.ac.be