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A
lors que tous les habi-
tants dupays vont rece-
voir des pastilles d’iode,
c’est l’occasion, avec le
Pr. Albert Beckers, de faire le
point sur la thyroïdedont ledys-
fonctionnement touche10%des
femmes après laménopause.
Tchernobyl, c’était il y a 30 ans, le 26
avril 1986. «
Le nombre de cancers
de la thyroïde a été multiplié par
100 dans la zone proche de l’acci-
dent, chez les enfants de moins de 14
ans mais surtout chez les enfants de
moins de 5 ans, ainsi que chez ceux
qui étaient « in utero
» au moment de
la catastrophe » explique le Pr. Albert
Beckers, chef du Service d’Endo-
crinologie au CHU de Liège. Si les
enfants ont été les plus touchés, c’est
parce que leur petite thyroïde, en
pleine croissance, capte bien l’iode.
Et ces enfants n’ont pas reçu de thé-
rapeutique préventive par de l’iode
stable. Par contre, en Pologne, la po-
pulation a reçu une dose préventive
d’iode et le nombre de cancers est
resté stable. En Ukraine, Bielorussie
et dans la partie ouest de la Russie
où, en plus, la population était en
carence iodée, le cancer a trouvé le
terrain favorable pour se développer.
Le cancer constaté était de type pa-
pillaire, assez agressif, mais avec une
bonne réponse au traitement. Son
pronostic est plutôt bon. Certaines
victimes ont été soignées à Liège
grâce à l’association «
Les enfants de
Tchernobyl
».
Le nuage radioactif a touché la Bel-
gique. Mais on n’a pas constaté une
augmentation de cancers thyroï-
diens, ni chez l’adulte ni chez l’enfant,
en Belgique. «
Il n’y a pas eu d’études
spécifiques dans notre pays mais il y
en a eu en France, où les niveaux
d’exposition ont été semblables.
Elles ont été négatives
». En France,
Ecosse, Italie, Finlande, le chiffre est
également resté stable après l’acci-
dent. Une augmentation du nombre
de cas avait été enregistrée dès les
années 60-70 quand furent réalisés
de manière systématique des exa-
mens plus précis sur la thyroïde.
Mais c’est l’occasion de faire le point
sur la thyroïde, cette glande à qui l’on
prête un rôle si important.
LA THYROÏDE, UN PAPILLON
À LA BASE DU COU…
La thyroïde est une glande située à
la base du cou. Elle pèse environ 30
grammes. Elle a la forme d’un pa-
pillon. Son rôle est réputé extrême-
ment important. La thyroïde a un
impact sur l’humeur, la croissance,
le développement du cerveau, le
poids et même sur la vie sexuelle. Le
bon fonctionnement de la glande est
géré par l’hypophyse. L’hyperthyroï-
die est une activité trop importante
de la glande; l’hypothyroïdie est due
à une déficience de la glande. L’hy-
perthyroïdie s’accompagne d’un
rythme cardiaque accéléré, de pro-
blèmes digestifs, de tremblements,
d’hypersudations, de troubles de
l’humeur et de l’irritation. Le trai-
tement est d’abord médicamenteux
avec des médicaments interférant
avec la synthèse des hormones thy-
roïdiennes. On peut aussi utiliser
l’iode 131 qui détruit les cellules thy-
roïdiennes. On peut enfin recourir à
l’ablation chirurgicale, totale ou par-
tielle, de la glande. L’hypothyroïdie
est caractérisée par des symptômes
inverses : tout fonctionne au ralenti,
tant physiquement qu’intellectuel-
lement : la vitesse de réaction est
amoindrie et le patient a des troubles
de la mémoire. Le traitement est mé-
dicamenteux. C’est la thyroxine que
produit normalement la thyroïde
et qui doit être administrée à une
dose adéquate. Ce traitement doit
souvent être poursuivi toute la vie.
L’hypothyroïdie due à une carence
iodée importante était une patho-
logie fréquente, surtout en altitude.
Elle est à l’origine d’une insulte chère
au Capitaine Haddock et à Hergé
: «
crétin des alpes
». Le crétinisme
résulte en effet d’un déficit en hor-
mones thyroïdiennes.
TRISTE ANNIVERSAIRE
NUCLÉAIRE
DES PILULES D’IODE
POUR TOUT LE MONDE
Il y a 30 ans,
TCHERNOBYL!
LA «CLINIQUE
DE LA THYROÏDE»
EN «ONE-DAY».
La pathologie thyroïdienne est très fréquente, particulièrement chez la
femme à partir de la ménopause. Elle touche plus de 10% de la popula-
tion. Et le risque augmente en fonction des grossesses. Il faut surveiller
la thyroïde pendant la grossesse. Il est important d’effectuer une prise de
sang en début de grossesse. Si une anomalie est constatée, l’examen doit
être répété.
Le CHU de Liège a mis en place une «
clinique de la thyroïde
».
Le dépistage de la fonction thyroïdienne est remboursé. En une
demi-journée, le patient bénéficie de toute l’exploration nécessaire. Il est
vu en consultation, il subit une prise de sang, une scintigraphie (sauf
contre-indication), une échographie avec éventuellement une élastogra-
phie et une cytoponction. Les examens (aspects échographique, scin-
tigraphique, vascularisation,…) permettent d’estimer l’activité thyroï-
dienne et de déterminer les risques de cancer (nodules froids ou chauds,
régularité, présence de microcalcifications, élasticité,….). Plus de 4.000
patients sont suivis chaque année dans cette clinique au CHU de Liège
(au Sart Tilman et aux Bruyères).
L’élastographie est un examen particulier. La sonde de l’échographe
compresse la thyroïde et l’endocrinologue voit comment elle réagit au
niveau de son élasticité: si le nodule est « élastique », il est probablement
bénin ; à l’inverse, si le nodule est plus dur, il est suspect. En cas de
suspicion, on effectue une cytoponction échoguidée (examen peu dou-
loureux). L’échantillon est directement envoyé à l’analyse au CHU chez
le Pr Delvenne.
L
’aventure de Tmm
Groupe au Centre de
revalidation d’Esneux
a commencé en 2010 :
il s’agissait d’installer, sur un
bras articulé, des terminaux
multimédia qui permettent
à des patients polytrauma-
tisés de se distraire et de
communiquer.
C’était une recommandation du
Conseil supérieur de la Santé, ce
sera bientôt inscrit dans le nouveau
plan d’urgence nucléaire attendu
en juin: la distribution préventive
des pilules d’iode sera effectuée
dans tout le pays et plus seulement
aux habitants proches des centrales
nucléaires.
En cas d’accident nucléaire, l’iode
protège la thyroïde de la radioac-
tivité.
Lors d’un incident nucléaire grave,
un rejet radioactif peut se pro-
duire. La radiation est invisible,
inodore et insipide. Il faut donc
évaluer la situation sur base de
mesures. La population doit donc
suivre strictement les recomman-
dations des autorités. Il est préfé-
rable de prendre les comprimés
d’iode (valables 10 ans), après re-
commandation des autorités, juste
avant ou aussi vite que possible
après un rejet d’iode radioactif. Les
comprimés d’iode stable protègent
pendant au moins 24h. Même en
cas d’accident nucléaire grave, il y
a de fortes chances que vous ne de-
viez prendre la dose recommandée
qu’une seule fois. Plus on est jeune,
plus il est important de se protéger
contre la contamination par l’iode
radioactif. Ceci vaut également
pour les femmes enceintes, afin de
protéger le fœtus.
La prise de comprimés d’iode stable
est contestée chez les personnes de
plus de 40 ans. Une saturation de
la glande thyroïde est moins in-
diquée dans cette catégorie d’âge
pour deux raisons: le risque de
cancer de la thyroïde suite à la prise
d’iode radioactif diminue avec l’âge
et, chez les personnes de plus de
40 ans, le fonctionnement de la
glande thyroïde est souvent déréglé
surtout dans les zones pauvres en
iode, comme c’est le cas de la Bel-
gique. Lorsque le fonctionnement
de la glande thyroïde est fortement
perturbé, ce qui arrive plus souvent
lorsqu’on vieillit, les désavantages
de la prise de comprimés (effets
indésirables) peuvent être plus im-
portants que les avantages (éviter le
cancer de la thyroïde). Il y a aussi
des effets indésirables à la prise des
comprimés d’iode mais ils sont très
temporaires et inoffensifs. (vomis-
sements, mauvais goût,…). Vous
pouvez dissoudre les comprimés
dans une petite quantité d’eau pour
ensuite diluer la solution dans une
plus grande quantité d’eau ou de jus
de fruits. Attention, la prise de ces
comprimés avec de l’alcool est dé-
conseillée !
La catastrophe n’a pas laissé des traces qu’à Tchernobyl
Le Pr Becker et les dr Julia Potorac et Patrick Petrossians
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